Le coût de l’inaction est principalement calculé à partir de la différence entre la facture énergétique estimée du territoire en 2030 si aucune action complémentaire n’est mise en œuvre, c’est-à-dire si c’est le scénario tendanciel qui est appliqué, et la facture estimée du territoire en 2030 avec atteinte des objectifs du scénario « action » ou AMS.
Ces hypothèses sont néanmoins incertaines car reposant sur une estimation à long terme des coûts de l’énergie soumis depuis quelques années à une forte volatilité, même si nous pouvons constater une hausse globale et inéluctable des coûts sur des périodes longues.
Au-delà des dépenses liées à la consommation d’énergie, le coût de l’inaction doit intégrer la prise en compte des conséquences du changement climatique. Bien que très complexe à chiffre précisément, la Caisse Centrale de Réassurance (CCR), a estimé dans un rapport publié en 2018 qu’à défaut d’actions visant à lutter contre le changement climatique, la sinistralité augmenterait de manière conséquente en 2050 et ce, quel que soit le sinistre concerné : 23% d’épisodes de sécheresse en plus, 38% d’inondations (dont 50% de ruissellement et 24% de débordement) et 82% de submersions marines. L’ensemble des périls augmenterait de 35% contre 20% si des actions étaient mises en œuvre[1] voire moins dans le cas d’une mise en œuvre généralisée de politiques climatiques très ambitieuse[2].
Or, et comme il a été vu dans le diagnostic territorial, le territoire de la CCDH est particulièrement concerné par les risques de sécheresses et d’inondations, ayant des conséquences financières en termes de réparations après les sinistres comme en termes d’élévation des coûts d’assurance contre ces risques. Cela concerne notamment les risques de baisse des rendements agricoles et de surexploitation de la ressource en eau, des conséquences patrimoniales (sur les voiries notamment) et sanitaires des épisodes de chaleur, des dégradations des bâtiments, et en particulier des maisons individuelles, liés au retraits et gonflements des argiles et de l’ensemble des conséquences directes des inondations et phénomènes météorologiques violents dont la fréquence augmentera.
Selon un rapport de l’ancien chef économiste et vice-président de la Banque mondiale Nicholas Stern sur l’économie et le changement climatique publié en 2006, le coût de l’inaction est de 5 à 20 fois supérieur au coût de l’action (de 5 à 20% du PIB mondial pour l’inaction contre 1% pour l’action). Ce constat a aussi été repris par le GIEC qui a insisté sur l’augmentation des coûts à mesure que l’action retarde.
Enfin, il est aussi à prendre en compte les pertes considérables sur le patrimoine naturel et la biodiversité dont les « services écologiques » rendus sont inestimables.
D’après le rapport « la facture énergétique francilienne » publié en mai 2017 par l’ARENE Ile-de-France (devenue AREC Ile-de-France en avril 2019), le prix de l’électricité a connu une augmentation de 35% en 7 ans, soit une hausse de 4,38% par an. Les causes explicatives de cette augmentation continue sont les besoins de financement pour renforcer les réseaux, gérer les centrales nucléaires de plus en plus coûteuses et l’augmentation des taxes associées à l’électricité. De nombreux observateurs des coûts de l’énergie s’accordent pour dire que cette hausse va s’inscrire dans la durée, autour de 5% par an.
Concernant le gaz naturel, les prix de celui-ci sont annexés sur les prix du baril du pétrole (en raison d’un assez fort potentiel de substitution théorique de l’un par l’autre). Bien que soumis à une forte volatilité, ceux-ci sont susceptibles de connaitre une hausse importante ces prochaines années en raison d’un « effet ciseau » entre baisse des ressources naturelles et augmentation de la demande mondiale. L’Agence Internationale de l’Energie, dans un rapport publié le 6 novembre 2018[4], prévoit que le prix du baril atteigne 200 dollars en 2030, soit une multiplication du prix par 4 par rapport au prix moyen en 2015, correspondant à une hausse annuelle de 9,68%.
Pour les produits pétroliers (fioul, carburant, pétrole), c’est l’évolution du prix du baril de pétrole qui constitue la référence pour estimer l’évolution des prix. Pour les mêmes raisons que celles décrites dans la partie sur le gaz naturel il est prévu une multiplication par 4 du prix entre 2015 et 2030.
Le chauffage urbain est, pour sa part, alimenté exclusivement en gaz naturel et donc soumis aux mêmes hypothèses d’augmentation des prix que ce dernier : une multiplication par 4 du prix entre 2015 et 2030.
Enfin, pour le bois énergie, l’augmentation envisagée du prix de ce vecteur énergétique est construite à partir des évolutions constatées jusqu’à présent, soit une augmentation annuelle de 1,2 % du coût du « granulé » de bois qui présente un pouvoir calorifique relativement important, représentant une augmentation d’environ 20% entre 2015 et 2030. Il est à noter que l’utilisation du bois à partir de produits obtenus lors de transactions informelles, de nombreux habitants disposant de ressources boisées, font qu’il est difficile de chiffrer précisément ces évolutions.
Alors qu’elle s’élevait à 54,5 millions d’euros en 2015, en considérant la hausse des prix des énergies décrite dans la partie 5.1, la facture énergétique du territoire serait de 168,9 millions d’euros en 2030 si les consommations énergétiques restaient identiques (c’est-à-dire sans intégration d’une baisse tendancielle de celles-ci). Cela correspond à une augmentation de 210% et une multiplication par 3 de la facture énergétique en 15 ans. Cette situation est néanmoins peu probable car la hausse du coût des énergies entraine mécaniquement des investissements et des modifications de comportement visant à une plus grande sobriété.
En prenant en compte la baisse tendancielle des consommations énergétiques (baisse de 12,7% des consommations énergétiques entre 2015 et 2030) la facture énergétique serait de 153,3 millions d’euros en 2030. C’est une augmentation de 182% par rapport à la facture énergétique de 2015 mais une économie de plus de 15 millions d’euros par rapport à la situation sans baisse tendancielle.
En considérant la mise en œuvre du scénario « avec mesures supplémentaires » (AMS) et avec l’atteinte des objectifs fixés par celui-ci (baisse de 21,1 % des consommations énergétiques entre 2015 et 2030 soit 96,5 GWh), la facture énergétique du territoire s’élèverait en 2030 à 123,7 millions d’euros. Bien qu’elle soit en augmentation de 127% par rapport à la facture énergétique de 2015, elle permet d’économiser 29,7 millions d’euros par rapport à celle du scénario tendanciel et 45,1 millions d’euros par rapport à celle sans baisse tendancielle.
èA partir de ces constats, il est possible d’estimer, hors prise en compte des effets du développement des énergies renouvelables et de ceux du changement climatique, que le coût de l’inaction en matière d’efficacité énergétique est d’environ 30 millions d’euros pour l’année 2030 (et continuera d’augmenter d’années en années après cette date).
En conformité avec les orientations du scénario AMS et en appui des hypothèses du document « Vision 2030 – 2050 » de l’ADEME, il a été pris en compte dans le calcul de la facture énergétique de 2030 des modifications dans la répartition des vecteurs énergétiques. Les principaux changements concernent l’augmentation de la part de l’électricité au détriment du gaz et du bois énergie au détriment du fioul (qui passe à 0%) pour le secteur résidentiel, l’augmentation de l’utilisation de l’électricité pour le secteur des transports (à hauteur de 5%) et une diversification des sources d’énergies du secteur agricole permettant la baisse de l’utilisation des produits pétroliers.
Nous pouvons constater avec ce scénario une forte baisse des coûts liés aux produits pétroliers en raison de la substitution de ce type d’énergie par d’autres sources telles que l’électricité (notamment dans le secteur des transports) et le bois (dans le secteur résidentiel), pour lesquelles les augmentations des prix prévues sont moins élevées.
En considérant les objectifs de production d’énergies renouvelables sur le territoire en 2030, il est possible d’estimer une baisse des dépenses « d’importation » totale d’énergie d’environ 12,7 millions d’euros. Celles-ci comprennent 6,7 millions d’euros de production électrique (en considérant l’implantation d’une « ferme solaire » produisant 20 GWh/an), 3,6 millions d’euros de gaz via une unité de méthanisation, 2,2 millions d’euros de bois énergie et 0,2 millions d’euros de production d’énergie liée à la géothermie superficielle.
[1] Dans le cas de l’hypothèse du scénario RCP 4.5 du GIEC présenté dans la partie 3.5 « Vulnérabilité au changement climatique » du diagnostic territorial du PCAET
[2] Scénario RCP 2.6 du GIEC
[3] Source : Eurostat, Statistics Explained « Statistiques sur les prix de l’électricité », https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Electricity_price_statistics/fr
[4] Source : IEA, « World Energy Outlook 2018 », https://www.iea.org/weo2018/
[5] Source : Eurostat, Idem
[6] Source : base de donnée Pégase (acronyme de Pétrole, Electricité, Gaz et Autres statistiques de l’énergie) qui enregistre et diffuse les statistiques de l’énergie rassemblées par le Service de l’observation et des statistiques (SOeS), http://developpement-durable.bsocom.fr/
[7] Source : Eurostat, Idem
[8] Source : base de donnée Pégase, http://developpement-durable.bsocom.fr/